DE FIL EN AIGUILLE

Les Très Riches Heures du Duc de Berry - La Rencontre des Rois Mages

 


Avant propos :  Sur la page consacrée à la famille de Gonzague, je m´ étonnais à juste titre de l'étrange texte que Paul Féval écrit au début de son roman "Le Bossu" : Loup des steppes vint éclairer ma chandelle, et si bien  que j´ai  décidé de publier son texte sur mon site. Je lui cède donc la parole.

« C'était déjà un grand arbre ; il tomba au choc et se coucha en travers de la douve. Depuis lors, il est resté là, végétant par l'écorce, qui seule est restée vive à l'endroit de la rupture. Mais le point curieux, c'est qu'une pousse s'est dégagée du tronc, à trente ou quarante pieds des bords de la douve. Cette pousse a grandi ; elle est devenue un chêne superbe, un chêne suspendu, un chêne miracle, sur lequel deux mille cinq cents touristes ont déjà gravé leur nom. » Paul Féval extrait du « Bossu »

LA CLEF DU MYSTERE ou CLEF DES SONGES

Le mystère et sa clef figurent dans la dernière phrase :

Nous avons donc là un arbre « suspendu » ; où donc pourrait-on trouver une chose semblable ? La réponse est presque enfantine, dans un jardin suspendu.

Et voila qui nous amène directement aux jardins suspendus de Babylone, merveille du monde antique.

 

Paul Féval était issu d’un milieu catholique fervent, on peut donc lui supposer une certaine connaissance de la Bible. Ce grand arbre coupé en deux par le feu du ciel évoque à l’évidence un passage bien connu, le rêve de l’arbre de Nebuchanedzar roi de Babylone, relaté au Livre de Daniel, Chapitre 4 :

10 Je contemplai ces visions de mon esprit sur ma couche, et voici qu'un veillant, un saint, descendait du ciel.
11
Il cria avec force et parla ainsi : Abattez l'arbre et coupez ses branches; secouez son feuillage et dispersez ses fruits ; que les animaux s'enfuient de dessous lui, et que les oiseaux quittent ses branches.
12 Toutefois laissez en terre la souche de ses racines, mais dans des chaînes de fer et d'airain, au milieu du gazon des champs. Qu'il soit trempé de la rosée du ciel et qu'il partage avec les animaux l'herbe de la terre.
13 Que son cœur ne soit plus un cœur d'homme, et qu'un cœur de bête lui soit donné, et que sept temps passent sur lui.

Dans d'autres Bibles « Son cœur d'homme lui sera ôté, et un cœur de bête lui sera donné » (Bible Segond)

Daniel donne ensuite l'interprétation : Nebuchanedzar, le roi de Babylone, royaume d'Akkad, perdra sa couronne pendant sept temps puis la retrouvera.

Est-il besoin d’en dire plus pour reconnaître là le scénario de la coupure de l’Orme de Gisors ? Je tiens à préciser que je n'ai aucunement découvert le lien entre la coupure de l'Orme de Gisors et le texte de Daniel, ce lien figure déjà dans l'ouvrage de G de Sède "Les templiers sont parmi nous". Tout le reste par contre est composé de mes déductions personnelles.


La chose est bien connue assurément, mais que viennent faire ces 2500 touristes chez Paul Féval, ce détail n’est-il pas farfelu, à la limite du grotesque ? Et bien il n’en est rien.

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Enluminure : Nabuchodonosor le songe de l´arbre et celui du Colosse aux Pieds d´Argile

 

SEPT TEMPS et 2500 TOURISTES ou DEUX BETES POUR LE PRIX D'UNE !

 

Ces sept temps peuvent être interprétés comme sept ans, et plus précisément 7 années dites « années prophétiques » de 360 jours, ce qui nous donne 2520 jours qui chacun laissent leur trace… On retrouve cette façon de compter dans l'apocalypse de Jean où "un temps, des temps, et la moitié d'un temps" s'avèrent être trois ans et demi, soit quarante deux mois durant 1260 jours, donc exactement la moitié.

Avec ses 2500 touristes plutôt que 2520, Féval reste dans un flou relativement banal mais suffisamment proche.

Notons aussi que dans l'épisode de la coupure de L'ORME DE GISORS, ( voir
ORMUS )deux rois sont en présence, Philippe-Auguste et Henry II d'Angleterre.
Mais Henry II n'a plus que quelques mois à vivre...Son fils qui lui succédera sera connu sous le nom de Richard Cœur de Lion : un cœur de bête.
Notons que ces deux épisodes se voient associées à un nombre, 2520 dans la Bible, et la date 1188 à Gisors.
Assurément cela fait une grande différence, mais quelle différence au juste ?

Et bien calculons ce nombre, 2520-1188 = 1332

Et alors ? Et bien coupons ce nombre en deux tout comme l'arbre : 1332/2= 666

Nous voila avec deux bêtes pour le prix d'une. Quel est donc le message que l'on a voulu faire passer ?

 

 

UNE ETOILE SANS CŒUR


Nerval disait "Ma seule étoile est morte, et mon luth constellé porte le soleil noir de la mélancolie"

"Seule" accompagné d'étoiles était la devise de NICOLAS ROLLIN, bâtisseur de l'Hospice de Beaune.

Quand à la
gravure de Dürer "Melencolia" elle comporte un carré magique de nombres.

Nous aurons beaucoup à parler de ces "nombres figurés" , carrés triangles et étoiles.



La Philosophie est écrite dans ce grand livre, je veux dire l’Univers,

Qui demeure constamment ouvert devant nos yeux.

Mais il ne peut être lu sans d’abord avoir appris à comprendre son langage

Et à interpréter les caractères avec lesquels il est écrit.

Il est écrit dans la langue des mathématiques

Et ses caractères sont des triangles, des cercles, et d’autres figures géométriques,

Sans lesquelles il est humainement impossible d’y comprendre un seul mot.

 

Galileo Galilei, Il Saggiatore (1623)  

 

 

Ne connaissant pas la culture mathématique du lecteur, je me permets de communiquer quelques notions indispensables pour comprendre mon abord particulier de notre sujet : l’Enigme.

 

Les nombres figurés : Schématiquement le NOMBRE TRIANGULAIRE de rang n est la somme des nombres de 1 à n, et sa formule est N*(N+1)/2. Nous aurons à en reparler.

 

Les NOMBRES ETOILES ont la formule 6*N*(N-1)+1

 

La 21ème étoile a donc 2521 éléments, et si l’on retire le cœur, on obtient les 2520 éléments que nous recherchions précédemment dans le livre de Daniel et chez Paul Féval.

 

Le prophète Daniel est un jeune hébreu déporté avec beaucoup des siens à Babylone, après la victoire de Nebuchanedsar roi de Babylone et la destruction et le sac du Temple de Salomon.

 

Notons maintenant deux faits essentiels :



BELTSCHATZAR LE MAGE



Daniel a été « rebaptisé » Beltchatsar par les babyloniens, et s’est attiré la faveur du roi en interprétant un de ses rêves que ses mages ne pouvaient  ni deviner ,ni interpréter, comme le rêve du colosse au pied d’argile. Cette action d’éclat lui a valu le titre honorifique de « chef des mages ». Extraits de la Bible Segond :

 

4.8 En dernier lieu, se présenta devant moi Daniel, nommé Beltschatsar d'après le nom de mon dieu, et qui a en lui l'esprit des dieux saints. Je lui dis le songe:

 

4.9 Beltschatsar, chef des magiciens, qui as en toi, je le sais, l'esprit des dieux saints, et pour qui aucun secret n'est difficile, donne-moi l'explication des visions que j'ai eues en songe.

 

Nous avons donc le jeune Daniel qui bien malgré lui est Beltschatzar le mage, et nous avons trouvé dans le rêve de l’arbre cette étoile au cœur vide.

 

Que nous donne l’équation Beltschatzar + mage + étoile ? La légende des rois mages…

 

En effet cette étoile encore privée de son cœur annonçait, une fois complétée, le retour de la royauté. Royauté que Nebuchanedzar devait retrouver a l’issue des sept temps, soit le 2521ème jour.

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 “Le festin de Balthazar” par Rembrandt

Certes Beltchatsar n’est pas exactement Balthazar, le nom attribué par la tradition à l’un des rois mages, mais après tout Nebuchanedsar était bien appelé Nabuchodonosor. Ni le moyen âge ni les époques suivantes ne furent pointilleuses sur le respect de ces noms étrangers.

 

Ceux qui au Moyen Age ont attribué ce nom à l’un des mages (ils ne sont pas nommés dans la Bible qui ne leur donne pas le titre de rois) avaient-ils conscience de cette étoile dans le récit de Daniel alias Beltschatzar/Balthazar ?

 

Il serait légitime d’en douter…. Cependant il existe une tradition de l’épiphanie, bien vivace au moins en France : la Galette des Rois.

 

Pour fêter cet évènement, on sert en effet une galette qui contient un élément unique, la fève, tout comme l’unique élément manquant de l’étoile, le cœur, dont la restitution ramène la royauté.

 

Et celui qui trouve l’élément manquant, la fève,  se voit remettre… une couronne.

 

Si les livres sont muets, la tradition parle…

 

Pour l’historien cette coutume remonte en fait aux saturnales romaines ou une fève désignait le Roi de la fête.( voir chapitre : les Bacchanales de Poussin )

 

 

Certes la chose semble attestée, cependant l’église condamnait ces fêtes païennes, et n’eût pas accepté la survivance ou la résurgence de telles coutumes sans avoir quelques bonnes raisons… que sont devenues les autres fêtes romaines ? Elles ont été abolies ou transformées complètement.

 

Nous voici en mesure d’expliquer maintenant l’épilogue d’une œuvre assez déroutante, L’Aiguille Creuse de Maurice Leblanc :

 

L’AIGUILLE CREUSE DE MAURICE LEBLANC 

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Le dénouement est dramatique, Arsène Lupin est assiégé par la police dans son repaire, qui contient le trésor des Rois de France…

 

Des Rois de France ? Pas évident en fait, car Lupin se livre à une étonnante pantomime, il écrit sur les murs.. et lègue le trésor à la France.

 

Or on ne peut léguer qu’une chose dont on est le légitime propriétaire, pas quelque chose que l’on a volé.

 

Cette écriture sur les murs est de nouveau une allusion à la Bible et au Livre de Daniel.( voir tableau de Rembrandt au dessus )

 

Le successeur de Nebuchanedzar, le roi Balthazar (Hé oui !) est assiégé dans sa ville, il a fait une fête au cours de laquelle il a utilisé les vases sacrés du Temple de Salomon, c’est alors qu’une main mystérieuse, que voient tous les convives effrayés, écrit sur le mur de la salle des mots étranges que Daniel interprètera comme une malédiction.

Puis Arsène Lupin s’enfuit par un escalier dérobé dissimulé par
le tableau de Van der Weyden, « les rois mages ». Le commissaire de police qui a franchi les obstacles tire sur lui mais le rate, atteignant un des rois mages de la toile.

Lupin s’écrie « En plein cœur le roi mage ! »


A la lumière de ce qui précède, devinez donc quel roi mage est touché….

 

Notons aussi qu’un des romans de Leblanc s’intitule « La vie extravagante de Balthazar »

 

Loup des steppes


 

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