Le Coin de l´Enigme :
Il serait intéressant de se demander
pourquoi Joséphine n'est pas un joli nom car si l'on prend le prénom de
Josine, on s'aperçoit que les lettres supprimées (Dieu enlève) correspondent
au "ph", donc au phi, ce caractère grec qui représente le secret
des bâtisseurs, le nombre d'or, cette qualité d'équilibre absolu. A partir du
moment où Joséphine devient Josine, elle perd cet équilibre et devient
finalement ce personnage ambigu puis repoussant dont Lupin dit : "Je me souviens que Beaumagnan t’appelait
l’infernale créature ; désignation qui me révoltait. Pourtant le mot est
juste. Il y a de l’enfer en toi. Tu es une sorte de monstre auquel je ne puis
plus penser sans épouvante." Joséphine est donc un personnage double, à
la fois divin comme la Vierge à laquelle elle ressemble, et démoniaque dans
les actes qu'elle accomplit. On retrouve là deux caractères, ne faisant pourtant
qu'un lorsqu'on pousse l'analyse, de la déesse Vénus et son
"homologue" Hécate, la Vénus Noire, Venus Tenibricosa. Rappelons-nous que l'un des attributs de
Vénus, est un miroir (ce fameux que l'on retrouve effectivement dans la Cène). Or, c'est l'un des emblèmes de la
Cagliostro, je cite quelques extraits: " À ces moments-là, elle sort de sa poche
un petit miroir en or, [...] Ce miroir appartint à Cagliostro. Pour
ceux qui s’y regardent avec confiance, le temps s’arrête." -
"[elle] tira d’un vide-poches placé au-dessous du filet de glace un
petit sac en cuir qui contenait un vieux miroir à manche et à monture d’or
[...]." "Il prit le miroir qu’elle avait reposé et l’examina [...]." Il est à noter que Vénus, est appelée
tantôt étoile du soir, tantôt étoile du matin. Dans ce dernier cas, elle est
porteuse de lumière, c'est-à-dire Lucis Fero. L'ambigüité est de mise et tout
comme cette déesse, Joséphine/Josine est à la fois Ange et Démon et détient
de ce fait les secrets cachés. Pourtant, elle est représentée par trois
portraits : l'un est celui de Josine, ("le premier est une miniature peinte en
1816 à Moscou, d’après Josine, comtesse de Cagliostro") ; l'autre celui désormais bien compris
de la Vierge ("le troisième est une miniature représentant la Vierge de la Sainte
Famille de Luini") ; entre les deux, nous trouvons une photographie ("Le deuxième est une photographie"), c'est-à-dire étymologiquement un
"dessin de lumière". Cela nous donnerait la formule suivante :
(Josine) Cagliostro – Balsamo – (Joséphine) Pellegrini, le baume étant le
lien entre le mage et le pèlerin. St-Bernard dit, dans un de ses sermons : "Un mélange dangereux et détestable c'est
quand un vice prend les dehors de la vertu, que l'ange de Satan se
transfigure en ange de lumière, et nous donne du poison à respirer en guise
de baume. Satan est un parfumeur..." Voilà qui ouvre de belles
perspectives dans la mesure où, comme dans un miroir, l'inverse est vrai
aussi. Dieu est un parfumeur et ses serviteurs aiment à offrir des parfums.
Le Miroir de Lupin Parallèlement, nous trouvons le personnage de Lupin, qui ne rencontre la
Cagliostro (dans les deux volumes "la Comtesse Cagliostro" et
"la Cagliostro se venge" ) que sous le prénom de Raoul (Raoul
d'Andresy ou Raoul d'Averny.). Or, Raoul, nom d'origine germanique, vient de
wulf, le loup et de rad, le conseil. Raoul signifie donc " celui qui est
conseillé par le loup". L'un des loups qui peut le conseiller serait-il alors Luini
alias di Lupino ?
Du signe de la Cagliostro Le grain de beauté devient un "signe noir", un naevus tel
qu'il pouvait s'entendre dans l'antiquité, c'est-à-dire une tache, une
verrue,
un déshonneur. Maurice
Leblanc y associe également la mouche, maquillage qui servait à rehausser la
blancheur de la peau. " À droite, un grain de beauté, noir comme une de ces mouches que
les coquettes se posaient autrefois, marquait la peau blanche et soyeuse et
suivait le rythme égal de la respiration " . Cela accentue la personnalité ambiguë de
la Cagliostro où l'on retrouve une pure Joséphine à la peau blanche versus
une trouble Josine au signe noir. En divination, le grain de beauté est appelé "seing" du latin
signum, le signe. Cette marque qui orne la blanche peau de la Cagliostro
est-elle celle du signe de mort et de Satan ? Car le signe noir est la marque
du diable dont on sait qu'il frappe ses adorateurs. C'est pourquoi les
inquisiteurs recherchaient les grains de beauté quitte à faire raser
l'inculpée pour le découvrir et l'étudier. Le signe noir est bien un attribut
de sorcière. Parallèlement, par cabale, nous pouvons également y voir le
"Cygne noir" Le cygne est à la base un emblème de beauté. Ce sont ces oiseaux qui
tirent le char de Vénus. Ils sont célébrés depuis l'Antiquité pour leur
plumage immaculé et leur long cou souple que l'on retrouve dans cette
description de la Comtesse de Cagliostro : " Raoul apercevait les épaules
harmonieuses dont la ligne parfaite se reliait au cou le plus pur."
On pourrait donc déduire que le cygne noir est le symbole inverse du
cygne blanc. Un conte d'Andersen "le compagnon de voyage" est à ce propos
assez révélateur : une méchante princesse, sorcière de son état par un
maléfice, va se transformer en cygne noir mais à la fin du conte, grâce
au héros Jean ( prénom du fils à Lupin ) : "La princesse poussa de grands cris lorsqu’il la plongea dans l’eau ; elle
se débattit entre ses mains, et prit la forme d’un cygne noir avec des yeux
étincelants. À la seconde immersion, le cygne devint blanc, sauf un anneau
noir qui lui restait autour du cou. Jean fît une prière au bon Dieu, et,
quand l’oiseau revint pour la troisième fois sur l’eau, c’était une princesse
admirablement belle. Plus que jamais elle était adorable, et, les larmes aux
yeux, elle remercia Jean d’avoir mis fin à son enchantement."
Magnifique transmutation que l'on pourrait rapprocher, toute proportion
gardée, de celle de la Cagliostro qui passe de Josine dans la Comtesse de
Cagliostro : "Son visage marquait une souffrance si
profonde que l’on eût pu s’en émouvoir, et prendre aussi pitié des larmes
lentes qui coulaient sur ses joues, si sa douleur n’avait pas été visiblement
dominée par un âpre souci de vengeance." à Josine en
rédemption dans "la Cagliostro se venge" : " Elle était à moitié folle, mais une folie douce, tranquille. [...] Elle
pleurait beaucoup, des larmes qu’elle n’essuyait pas. Elle était encore
belle… mais une maladie l’a rongée, très vite… et, un jour, il y a six ans…
j’ai fait la veillée près de son lit de mort. [...]."
Du fait de sa chair noire, les alchimiste ont considéré le cygne comme
porteur de l'œuvre au noir
dont les matières vont être soumises à l'albédo. En portant sur sa chair
blanche un signe noir, la Cagliostro devient une parfaite représentation de
l'oiseau et de la phase qu'il représente, le solve. Le fait que la Cagliostro
saborde son bateau "Ver-Luisant" est en cela assez révélateur. La
luciole brille d'un feu intérieur. Elle est, comme Vénus, un porteur de
lumière, phosphoros en grec, et comme nous l'avons déjà vu, lucis fero en
latin. A ce stade, il faut savoir séparer la lumière des ténèbres. Comme l'oiseau, la Cagliostro est reliée à l'eau : Une première fois,
Beaumagnan essaie de la noyer (chapitre IV- la barque qui coule), une
deuxième fois, elle fait couler son yacht ( « c’est ainsi qu’elle aura péri avec tous ses complices dans le naufrage de
son yacht, le Ver-Luisant » ). A la fin du roman, elle voyage encore sur un autre bateau... Bref, la
Cagliostro, comme le cygne, glisse sur les ondes.. En ce sens, elle
appartient, de même que le cygne, au côté mercuriel qui relève tant du côté
lunaire que du côté solaire. Nous sommes alors face à l'androgyne détenteur
des Mystères, dont les visages de la Renaissance esquissent si bien le
portrait. Sans doute n'est-ce alors pas un hasard si le
"domestique" de la Cagliostro, dont on ne sait pas trop à la fin du
roman s'il est son vrai père ou pas, s'appelle Léonard.
Pour Bachelard, l'image du cygne est hermaphrodite. Le cygne est féminin dans
la contemplation des eaux lumineuses et il est masculin dans l'action. Corinne Theone
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