DE
FORTUNA
Richelieu possédait, à son décès, 20 millions de livres, dont un
million et demi fut légué au roi. Ce fut l´ une des fortunes
les plus importantes de l'époque et, on dit même que la plus importante de
tous les temps en France, après celle de Mazarin. Mazarin, qui dés le début
de son gouvernement, s'enrichit énormément en confondant les caisses de
l'État avec sa caisse personnelle, laissa une fortune de 35 millions de
livres, dont 8 millions en espèces, soit l'équivalent de l'encaisse de la
Banque d'Amsterdam, banque la plus importante du monde à l'époque. Pourtant
il avait tout perdu durant la Fronde et en à peine 9 ans…en spéculant sur les
fonds d´Etat
Sous l'Ancien Régime, aucun héritage n'atteignit ce niveau, les plus élevés
étant ceux du cardinal de Richelieu, avec 16 millions nets, et de Charles
Gonzague, 5,5 millions en 1637. Pour éviter que soit fait l´ inventaire de
ses biens, et donc de ses agissements, Mazarin légua tous ses biens au roi,
qui hésita trois jours avant de les accepter, puis, l'ayant fait, les laissa
à ses héritiers, manœuvre classique en ces temps pour éviter les recherches
de justice.
En mourant, Richelieu recommanda au roi son successeur : Mazarin.
Mazarin deux jours avant sa mort, fait appeler les trois ministres du
Conseil, Michel Le Tellier, Nicolas Fouquet et Hugues de Lionne, et les
recommande chaudement au roi. Mais le lendemain, veille de sa mort, sur les
conseils de Colbert, il revient sur ses propos concernant Fouquet jugé trop
ambitieux et conseille au roi de s'en méfier et de choisir Colbert comme
Intendant des finances. Que s´est-il passé ?
« QUO
NON ASCENDET ? » ; « JUSQU'OU NE MONTERA-T-IL
PAS ? » ou la devise de Fouquet
La protection d’Anne d’Autriche et de
Mazarin lui vaut la charge de surintendant des Finances ordinaires et
extraordinaires en 1653.
Pendant que Colbert administre la
fortune de Mazarin à qui il fut présenté en 1651 par Le Tellier .
A la
mort de Servien, autre surintendant en place en 1659, Nicolas Fouquet devient
l’homme le plus puissant de France après Mazarin.
C´est à dire trois ans après avoir
reçu la fameuse lettre de son frère parlant de Poussin, en 1656.
Colbert chargé ensuite de veiller à la gestion des Finances de l'État, rédige
dés octobre 1659 ! un mémoire sur les malversations de Nicolas Fouquet.
Il y indique que moins de 50 % des impôts collectés arrivent jusqu’au
roi.
Fouquet va aussi prêter de l’argent à l’Etat à un taux usuraire ce qui va
aussi augmenter de façon conséquente son importante fortune et son
infortune ! Malgré tout, il ne faut pas se fier aux apparences. C’est
bel et bien Fouquet qui renfloue les caisses royales ( qu´il avait lui-même
aidées à vider ?). Sa signature qui est un gage de sécurité pour les
investisseurs est toujours honorée. Il donne en garantie ses biens propres.
Philippe de Champaigne-Anne d´Autriche et
ses deux enfants
LE
SERPENT ETRANGLA L´ECUREUIL
En
1661, après la mort de l’homme fort de l’état, Mazarin, Colbert devient
l’homme de confiance de Louis XIV.
Mazarin n’aimait plus beaucoup Fouquet et ses trafics, mais il en avait
besoin. Aurait-il eu peur que le roi garda sa fortune, au lieu de la passer à
ses héritiers, sachant qu´une grosse partie venait des méthodes employées par
Fouquet ? Vendit-il le surintendant pour sauver sa fortune ? C´est fort
possible et logique.
Colbert quant à lui le hait et va tout
mettre en œuvre pour le faire tomber afin de prendre sa place. Ambition
oblige !
Fouquet pensait devenir Premier Ministre, mais Louis XIV décide de supprimer
cette fonction. C’est le début de la fin.
Colbert qui avait amassé de nombreuses
notes accablant le surintendant, n’arrête pas de rendre Fouquet responsable
de tous les maux de la terre, allant même jusqu’à l’accuser de complot contre
l’état.
Le roi est très attentif à ces propos, il veut régner sans partager. Il pense
même qu’en accusant Fouquet toutes les "manœuvres douteuses" de son
parrain Mazarin seront oubliées et puisqu´il était son administrateur, lui
aussi en serait responsabilisé.
Le Serpent ( blason de Colbert) étrangla l´Ecureuil ( blason de Fouquet)
! qui trop rusé et sûr de lui, commit deux grandes erreurs d´orgueil :
Une, étaler un lux excessif devant la cour et deux être trop galant avec
Mademoiselle de La Vallière, favorite de Louis XIV, le 17 août 1661, jour de
la grande réception à Vaux-le-Vicomte.
Pourtant dix ans plus tard, ayant également
employé Vatel comme maître d´hôtel, le prince de Condé, en disgrâce depuis
son rôle dans la tentative de renversement de Louis XIV, tout enfant qu´il était pendant la Fronde, est au bord
de la ruine. Il invite Louis XIV, alors âgé de 33 ans et toute sa cour de
Versailles.
Cette réception qui coûta 50 000 écus, marquera son retour en grâce et le
pardon du roi après sa participation à la Fronde 20 ans plus tôt.
Condé doit également regagner les faveurs
du roi pour renflouer d'urgence ses caisses en louant son armée, une des plus
puissante du royaume, pour la guerre que le roi prépare contre les hollandais.
Noblesse oblige ! Nécessité aussi.
La résolution du roi fut prise le 4 mai de cette même année, avant la fête à
Vaux-le-Vicomte, quand Colbert lui remit les rapports de son cousin, Colbert
de Terron, sur les fortifications et l'armement de Belle-Île.
L'offre de Fouquet de lui donner Vaux ne fait que l'irriter davantage. Selon
l'abbé de Choisy, Louis XIV déclare à sa mère : « Ah, madame,
est-ce que nous ne ferons pas rendre gorge à tous ces gens-là[ ]? »
Anne était aussi de la Compagnie, mais par
son rang de reine-mère, elle était intouchable.
Philippe de Champaigne
Anne d´Autriche et ses deux enfants
Louis XIV décida donc de l´arrestation de Fouquet,
mais avant il faudra attendre que le surintendant verse dans les caisses de l’état l’argent qu’ il à promis.
Il faut aussi attendre que Fouquet vende sa charge de Procureur Général au
Parlement de Paris qui le soustrait à toutes juridictions autre que celle de
ses pairs.
Le 5 septembre 1661, il est arrêté par les mousquetaires du sous-lieutenant
Charles Batz-Castelmore, plus connu mondialement comme le sieur d’Artagnan à Nantes.
Colbert
fait également analyser tous les comptes et tous les registres financiers
saisis, afin d'y chercher des éléments de preuve contre Fouquet[].
Derrière un miroir, à Meudon, on découvre le « plan de défense » de
Fouquet : il s'agit d'instructions en cas de crise, rédigées par Fouquet
lui-même en 1657, (un ans après la fameuse lettre que son frère lui adresse à
propos de Nicolas Poussin) à une époque où il croyait que Mazarin avait juré
sa perte.
Le mémoire prévoit qu'en cas d'emprisonnement et de mise au secret de
Fouquet, les gouverneurs qui comptent parmi ses amis s'enferment dans leur
citadelle et menacent d'entrer en dissidence pour obtenir sa libération —
« projets de révolte qui eussent mérité la mort si le ridicule n'en
avait adouci le crime », note l'abbé de Choisy.
AFFAIRE
DE JUPON
La Grande Mademoiselle, Anne Marie Louise
d'Orléans,
par Pierre Mignard.
Remarquez son geste de compas fait avec sa main !
Il y eut aussi une autre affaire de jupon, qui fit grand scandale à la
cour quand elle se confirma enfin.
En 1657 François Christophe de Lévi prit l'engagement écrit d'épouser
Catherine de Manneville ( ou Menneville ), fille d'honneur de la reine mère,
très appréciée par cette dernière et par le roi.
F.C de
Lévi, plus connu sous le nom de duc de Damville, évita pourtant ce mariage
jusqu´à sa mort malgré l´insistance royale : la belle Dame Menneville
était suspecte d´être la maîtresse de Fouquet, et elle aussi avait signé la
promesse de mariage au duc.
Elle essaiera d'obtenir de Nicolas que Damville, qu'on retrouve très présent
dans l'entourage de la Grande Mademoiselle ( personnage centrale de la Fronde
), tienne son engagement.
On récupéra, après l´emprisonnement de Fouquet, les lettres confirmant ce que tous pensaient :
leur lien amoureux, qui perdirent à tout jamais mademoiselle de Menneville
qui disparut de la cour et alla traîner en province une existence obscure.
C´est au duc de Damville que Fouquet achèta en 1660 ni plus ni moins que la
charge de vice-roi d'Amérique.
« POUR LE ROI SOUVENT, POUR LA PATRIE TOUJOURS », devise de Colbert
Après maints
renversements tout le long du procès, au cours desquels l’accusé devient même
martyr de l’absolutisme, le 20 décembre 1664, après des réquisitoires qui
soulèvent l’indignation par leur ton haineux, l’accusé est condamné au
bannissement perpétuel. Louis XIV qui visait la peine de mort, use de son
droit régalien pour aggraver la peine : prison à vie.[
Nicolas Fouquet a été rendu coupable d’avoir fait ce que tant d’autres
avaient fait avant lui. Il fut le dernier surintendant des Finances de la
monarchie ; en l’abattant, Louis XIV affirmait sa puissance face aux
grands seigneurs, et ne devait plus rien à son usurier.
Ses frères tombèrent tous en disgrâce avec lui, puisque c´est à Nicolas
qu´ils devaient leur ascension.
Colbert dont la devise était : « Pro
rege, saepe, pro patria semper » ; « Pour le roi souvent,
pour la patrie toujours ».Souvent, mais pas toujours car Colbert
amassa 10 millions pendant qu´il encourageait le commerce, protégeait les
sciences, les lettres et les arts, et favorisait également la recherche en
créant l'Académie des sciences (1666), l'Observatoire de Paris (1667) où
Huygens et Cassini furent appelés et l'Académie d'architecture (1671).
Il s'oppose au secrétaire de Guerre,
Louvois, jugé trop dépensier des fonds publics. Celui-ci intrigue contre lui
auprès de Louis XIV à tel point que Colbert était sur le point d'être disgracié
quand il meurt le 6 septembre 1683. Il allait être payé avec la même monnaie,
celle qui lui valu son poste.
A sa mort les finances de l'État étaient davantage endettées qu'au moment de
la disgrâce de Fouquet ! Et le
peuple, croyant voir dans cette fortune un signe de déprédation, insulta son
cercueil.
Alors
quel est ce secret que
Poussin devait partager avec Fouquet ?
Article de Patrick Mensior vivement conseillé
« Luy et moi, nous avons projeté certaines choses
dont je pourrai vous entretenir à fond dans peu, qui vous donneront par
Monsieur Poussin des avantages (si vous ne les voulez pas mépriser) que les
Roys auraient grand peine à tirer de lui, et qu'après lui peut-être personne
au monde ne recouvrera jamais dans les siècles advenir ; et, ce qui plus est,
cela serait sans beaucoup de dépenses et pourrait même tourner à profit, et
ce sont choses si fort à rechercher que quoi que ce soit sur la terre
maintenant ne peut avoir une meilleure fortune ni peut être égasle. ».
Cette
lettre tomba sûrement avec le reste des papiers de Fouquet dans les mains du
Colbert, qui les rapporta au roi.
En 1685, le tableau des BERGERS D´ARCADIA
rentre dans la collection de Louis XIV et pendant les deux siècles suivants
inspire des artistes, des auteurs, et des poètes.
Fut-elle placée, comme on le prétend dans les appartements personnels du
roi ? Passait-il part de son temps à l´admirer où à vouloir la
déchiffrer ?
Comme simple énigme ou en relation avec le cas Fouquet ?
Notez que Louis XIV l´acquière bien
après la mort de Poussin et celle du surintendant.
Il y a tout un mythe crée autour de ses Bergers, comme par
exemple, quand Gérard de Sède, dans La Race Fabuleuse,
affirma que ce tableau n´est pas exposé au Louvre.
Ou quand on attribue exclusivement
les dépenses employées,
aussi bien par Fouquet pour les travaux de son palais ;
comme par le roi pour Versailles,
au trésor caché à Rennes-Le-Château.
Le fait est
que Nicolas Poussin se vit commander une série de termes et deux vases pour
les jardins de Vaux-Le-Vicomte,
par Louis Fouquet en 1655 d´après le catalogue de l´exposition du Grand
Palais.( Juillet 1994 )
Voyons
ce fameux tableau de plus près…
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