Mais qu´allait-il faire dans cette
galère ?
Ou le voyage de Francesco Barberini en
France
Francesco Barberini qui tenait la seconde place après le pape dans le gouvernement de l’église, fut nommé légat a latere aux deux Couronnes par son oncle, Urbain VIII. L’ensemble du
Saint-Siège au service de sa politique de médiation au sujet de la Valteline,
cette haute vallée de l’Adda qui relie l’Italie à l’Empire, peuplée de
catholiques mais sujette à la domination des Grisons, protestants alliés de
la France, qui concentre sur elle, à partir de 1620, l’attention de l’Europe
entière.
Entre les nombreux composants du groupe qui accompagna le légat on retrouve
Giovanni Battista Pamphili futur pape Innocent X, le banquier Matteo
Sacchetti, le collectionneur Cassiano dal Pozzo, Girolamo Aleandro il
Giovane, le poète Panfilo Persico, etc.
Au total, plus de 70 000 écus furent dépensés par le Saint-Siège lors
des légations de Francesco Barberini en France, puis en Espagne.
Francesco fut reçu comme il se doit avec grande pompe, ainsi lors de la représentation théâtrale donnée au collège
jésuite d’Avignon le 21 avril 1625, Barberini est dépeint sous les
traits d’Aristée qui, sollicité par sa tante Amphitrite, mère des fleuves,
éteint la colère de l’Èbre et du Rhône en répandant le miel des abeilles de
Jupiter...
Arrêtons-nous un instant à cette métaphore fort récurrente qui
dessine plus que l’image d’un
médiateur, un ange de paix, dont tous espèrent qu’il va apporter la concorde.
ARISTEE :
Aristée avec la Toison d´Or
Dans la mythologie grecque Aristée fut le fils d´Apollon et de Cyrène, souvent considéré
comme Titan. Les nymphes l´élevèrent et
lui apprirent à cailler le lait, à cultiver les oliviers, et à élever les
abeilles
( Nous avons ici deux symboles de la maison Barberini abeilles
et olivier ou laurier pour l´art ce qui rapporte à Apollon)
Cyrène, sa mère est une princesse, une nymphe chasseresse, qui abattit un
lion et fonda elle-même puis sa descendance des villes. Est-ce une bâtisseuse
à queue aquatique, comme bonne hybride qu´elle est ? ( Cyrène /sirène)
Aristée est amoureux fou d´Euripide, et le jour des noces de celle-ci avec
Orphée, incapable de se contenir il la poursuit. Celle-ci fuyant ne voit pas le serpent qui causera
sa mort. ( renvoie-t-elle à Eve et la Vierge ? ) Suivra l´épisode
d´Orphée aux enfers qui ressemble à celui de la famille de Lot fuyant la
destruction, donc la mort, et ceux dont la curiosité est plus grande que la
crainte. La curiosité qui donne naissance à la science.
Pour la venger, les nymphes, ses compagnes, firent périr toutes les abeilles
d'Aristée. Aristée demanda secours à Cyrène, sa mère. Celle-ci lui dit que
Protée, vivant en Egypte pouvait lui apprendre comment éviter un autre
désastre de la sorte, mais seulement s'il en était forcé. Aristée immobilisa ce dieu polymorphe durant sa
sieste. Ainsi, Protée dut l'informer qu'il devait sacrifier un taureau aux
dieux, laisser la carcasse sur les lieux du sacrifice et y retourner après
trois jours. Quand Aristée revint à cet endroit, il trouva un essaim
d'abeilles dans la carcasse et la rapporta dans son rucher. Les abeilles ne
connurent plus jamais la maladie. Ceci rappelle Samson, l´aventure du lion et
les abeilles. L´abeille comme symbole de résurrection « au
troisième jours » sort du taureau solaire.
Les Grecs l'honorèrent depuis comme un
dieu, surtout en Sicile ; il fut une des grandes divinités champêtres,
et les bergers lui rendaient un culte particulier. Aristée serait devenu la
constellation du verseau, et ce signe c´est l´Etoile du Tarot, le 17 !
Aristée, suivant Plutarque, quittait et reprenait son âme à volonté, et,
quand elle sortait de son corps, les assistants la voyaient sous la figure
d'un cerf. Son fils Actéon, le puissant chasseur, après avoir surpris Diane
dans son bain ( comme Mélusine ) fut
pour ce délit transformé en cerf que dévora sa meute canine. Ce puissant chasseur rappelle
aussi Nemrod.
Revenons au voyage de Francesco Barberini en France
Le faune des Barberini, restauré par le Bernin,
qui fit couler beaucoup d´encre à cause de sa queue visible sur cette peau de
léopard.
Aucune solution apportée par le légat
papale ne fut acceptée par les français et les espagnols brillèrent par leur
absence. Il rentra à Rome pour en sortir le 31 janvier 1626, cette fois pour
se rendre à la cour du roi Catholique avec la mission de tenir l’infante sur
les fonts baptismaux au nom du pape et de poursuivre les négociations de paix
entre les deux Couronnes.
Or, lorsqu’il parvint à Barcelone le 18 mars 1626, Barberini apprit à sa
grande surprise que le comte-duc d’Olivares et l’ambassadeur de France en
Espagne, Fargis, avaient signé le 5 mars précédent à Monzón, en Aragon, un traité de paix. L´affaire de la Valteline fut résoute de
façon raisonnable, pour les deux couronnes et la triade papale mais sans
compter avec Rome !
Accompagné par 200
hommes, Barberini ne fit-il que négocier ? Il est assez difficile de
penser que le légat ne fut pas informé du projet de réunion, vu les
nombreuses lettres qui nous sont parvenues reparties entre la France et le
Vatican et le système d´espionnage de cette époque qui n´a rien à envier à
celui du XXº siècle. N´y avait-il pas au moins un abbé, un confesseur un peu
partout ? On voyageait à un autre rythme, surtout pour les cortèges mais
l´information se faisait de mode plus rapide.
L´Ivoire Barberini et Nicolas-Claude Fabri de Peiresc
Un autre feuillet de style théodosien
Avec le SIGNE par lequel on vaincra !
Il s´agit de l´une des pièces maîtresses de la fameuse collection
Barberini. Ce relief byzantin de la dite Antiquité Tardive, est aujourd´hui
conservé au Louvre. L´empereur triomphant est représenté dans un style appelé
théodosien.
Des inscriptions plus anciennes à l'encre recouvrent les stries au dos
de l´ivoire. On y lit une liste de rois d´Austrasie et des noms latins de provenance
auvergnate. Le fait est que l´on retrouve cette œuvre en 1625 aux mains de Nicolas-Claude
Fabri de Peiresc quand celui-ci l´offrit au légat Barberini à son passage
vers Aix-en-Provence.
“Un rapport très étroit lie la France
des savants à la Rome barberinienne dont Cassiano dal Pozzo, en tant que
secrétaire du Cardinal Francesco Barberini, son maître, était l’un des
représentants les plus marquants. (Cassiano était l’ami de Galilée, du
Caravage, de Nicolas Poussin, de Pietro da Cortona, de Simon Vouet. Il
introduisit en Italie les idées toutes nouvelles de Francis Bacon) La
présence du Cardinal Barberini on la perçoit, presque continuellement, à
travers les lettres des deux correspondants qui lui envoient de temps à autre
des matériaux destinés à ses collections dans le domaine des sciences
naturelles et de l’archéologie.” Nous dit
Luigi de Nardis.
On retrouve ces lettres à la BNF, mais en italien d´origine.
Peiresc est un personnage charnière, d´Aix , grâce à sa prodigieuse correspondance,
il a main forte partout et réussit à ouvrir les portes à ses amis, portes qui
resteraient fermées autrement.
Pendant 30 ans il entretient des questions touchant l´archéologie
et l´histoire antique avec Girolamo Aleandro, le Jeune, secrétaire aux
lettres latines de Francesco Barberini. C´est un ami cher au même titre que
P.P.Rubens avec qui il cause, de la symbolique entre autre chose.
C´est un homme intellectuellement complet, fils de la Renaissance agonisante,
tout l´intéresse, de l´art à l´archéologie, de la botanique à l´astrologie ou
à la généalogie. Aussi bien il introduit le chat angora en France qu´il découvre
la nébuleuse d´Orion !
Ainsi par son travail pour dresser les phases lunaires, il découvre que les
cartes de la Méditerranée sont toutes fausses. Il a recours pour les dessins
à ses amis artistes :
« C'est en 1634 que Peiresc projeta
avec Gassendi de dresser un atlas de la Lune. Il fit d'abord appel au peintre
Claude Salvat, puis, l'année suivante, à Claude Mellan (1598-1688) pour
graver au burin les différentes phases de la Lune. Il s'adressa également au
peintre parisien Mathieu Frédeau. » Agnès Bresson
Ce dernier, MATHIEU FREDEAU, ce moine augustin nous le retrouvons à
Limoux, à NOTRE DAME DE
MARCEILLE, si chère à
Boudet sur le fameux tableau de saint Antoine qui porte sa signature. Ce qui n´a pas empêché l´abbé Henri Gasq de l´attribuer à
Ambroise Frédeau, lapsus ou fermait-il ainsi la piste qui mènerait au dit
Prince des Curieux, Nicolas-Claude Fabri de Peiresc ?
Pour en savoir plus sur les rencontres narrées par lettres entre Peiresc et le légat Barberini
voyez cette page.
Revenons à l´ivoire offert au légat romain
Peiresc étant un collectionneur réputé,
pourquoi avoir choisit cette pièce précisément ? On sait que ce cardinal
reçut, écrites en italien, au moins 50 lettres de la main de Peiresc entre le
19 août 1623 et le 5 juin
1637. Il est vrai aussi que Francesco fut bibliothécaire de la Vaticane, de
1627 à 1636, cette relation ouvrait donc ses portes à un plus humble mécène,
mais cette correspondance commença quatre ans plutôt. Le fait que ce
Barberini là eut le culot de ne pas signer la sentence condamnatoire de
Galilée, ne put qu´attirer la
sympathie de Peiresc. Ainsi que le père Campanella qui prit parti pour
Galilée, fut torturé avant d´être emprisonné pendant 26 ans, libéré en 1626,
il arriva en France, sans moyens chez Peiresc qui le logea avant de l´envoyer
à Paris dûment monnayer. Et tout cela au nom de la science, de la justice et
de l´amitié!
«Personne n’aura le droit d’ignorer cette intelligence
sublime qui servira de guide dans l’avenir à tous ceux qui recherchent la vérité »
dit le Cardinal
Francesco Barberini, quand il refusa de signer la condamnation de Galilée.
ETUDIONS
LE SYMBOLISME DE CET IVOIRE DANS LE CHAPITRE SUIVANT…
Illustration du haut de
page :Jean-Baptiste Mauzaisse (1784-1844)
« Le Temps montrant les ruines qu'il amène et les chefs-d'œuvre qu'il
laisse ensuite découvrir » 1822, plafond de la salle des Bijoux.
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