Par ce Signe tu le
Reconnaîtras ! Johannes Gumpp 1646, Autoportrait au Miroir « Le mystérieux trésor amassé au fond du cœur se répand alors au
moyen des œuvres, au moyen de la nouvelle créature
que l'on tire de son sein en lui donnant une forme sensible...» |
Dürer fait plusieurs voyages à Venise et à Florence durant
lesquels il rencontre les grands maîtres de la peinture comme Léonard De
Vinci. Il a même accès à ses livres, comme le démontre : le pistolet
automatique dessiné par ce génie qui , par « hasard », sera fabriqué
en Allemagne, servant plus tard pour assassiner le Duc de Guise. On retrouve
aussi, sur les œuvres de Dürer, quelques personnages sortis des cahiers de
Léonard comme sur Les douze ans de Jésus parmi
les scribes. Ainsi le visage copié de saint Jérôme s´y retrouve au premier
plan. L´étude des proportions orées
du corps humain lui fut ainsi insufflée. Dürer, considéré dans l´histoire de l´Art, comme le premier
artiste à faire ses autoportraits sans les placer sur une toile à sujet
religieux, est un exemple du comment, en étudiant de tels tableaux, on en
arrive à voir plus loin que le physique du personnage. La difficulté de l´autoportrait à travers le miroir s´accentue
au moment de peindre ses mains et ses yeux. Pourtant, si on jette un regard
aux nombreux portraits faits par Dürer, on constate que les mains des
personnages sont absentes. Une mode nordique sûrement, mais pourtant avec quelques
exceptions : Quand l´artiste peint son père, ( idem pour sa mère ) la
première fois, celui-ci tient un bracelet ou petit rosaire, symbole de son
travail d´orfèvre ou de sa religiosité ; la seconde il cache ses mains
dans ses manches, tel un moine, plus âgé, il devait être retiré. «Sa recommandation quotidienne était pour nous exhorter à aimer
Dieu et à nous conduire loyalement envers notre prochain.» écrit-il de son père. Il fait aussi une exception pour les diplomates, les
représentant avec un petit rouleau en main. Mais celles-ci ne sont ni
travaillées, ni à échelle.
« Les choses décrétées par le Haut me sont
chères » Son manteau, ouvert sur une élégante chemise aux rubans roses,
marque l´axe du dessin par le bout de manche rouge, ligne qui passe sur son
cœur découvert. Entre ses doigts Dürer tient un érynge ou panicaut à fleurs bleues, semblable
au chardon, appelé en allemand Mannstreue «fidélité
du mari » du fait qu´on l´utilisait pour
obtenir un filtre d´amour. Ce fait laisse penser qu´il s´agit d´un autoportrait destiné
en cadeau à sa fiancée mais aussi comme preuve de son évolution artistique,
durant l´apprentissage de quatre années, pour ses parents. La dédicace, souvent traduite par « Mes affaires
suivent le cours qui leur est assigné là-haut », démontre sa
religiosité et sa confiance en son destin. Son art est un DON qui
illumine son Chemin ! C´est aussi un avertissement pour sa future épouse. Remarquons sa calligraphie du 4 inversé et retourné. 1497 Florence : « Je l'ai peint à ma ressemblance /
J'avais vingt-six ans» La même année qu'il produit les illustrations de l'Apocalypse,
Dürer s'est peint comme un homme raffiné et élégant aux cheveux
artificiellement bouclés, selon la mode vénitienne. Comme tant d'autres portraits de son temps, Dürer s´est placé devant une fenêtre, ouverte sur un
paysage alpin d´excellente facture, qui laisse passer la lumière inondant le
personnage. La composition du panneau est typique du portrait florentin. Les allemands avaient encore tendance à considérer l'artiste
comme un artisan, vue conventionnelle depuis
le Moyen Âge. C'était amèrement inacceptable pour Dürer, donc le
deuxième autoportrait le montre comme
un aristocratique à la jeunesse hautaine, un dandy impassible. Dürer insiste
par dessus tout sur sa dignité : « Ici, je suis un seigneur, là-bas [à Nuremberg], un parasite. » confession amère adressée à Pirckheimer, écrite en
1506.
je me suis peint moi-même ainsi avec
mes couleurs propres à l'âge de 28 ans ». C'est une image sombre, peinte principalement dans des tons
bruns, dans un contexte simple, mais le contenu ne l´est guère. Alors arrogance ou
blasphème ? Non ! signe de foi : Christ était le fils de Dieu et
Dieu avait créé l'Homme à son image. Nous avons déjà vu avec son premier autoportrait
que pour Dürer son art était perçu comme un Don divin. Ce don, ce talent a dû
être raffiné lors de son compagnonnage et par l´expérience. Cependant, remarquons que Dürer qui subtilement partit de
l'image traditionnelle du Christ, malgré des apparences initiales, n´en fait
pas vraiment une image tout à fait symétrique, par exemple ses yeux regardent
fixement, mais légèrement vers sa droite, côté du futur. Cet illusionnisme
trompeur dans lequel l'image est peinte, est aussi une référence à la légende
artistique classique d'Apelles, avec qui il avait été comparé par des
humanistes contemporains.
L´inscription, peinte au niveau des yeux, est ici en latin
contrairement aux deux autres autoportraits. Il délaisse l'allemand au profit
du latin, langue universelle des échanges entre humanistes, milieu dont Dürer
était familier, ce qu'il n'a jamais omis de faire savoir. L´Imitation de Jésus Christ ou la
Devotio Moderna « Celui qui me suit ne marche pas dans les ténèbres[], dit le Seigneur. Ce sont les paroles de Jésus-Christ, par
lesquelles il nous exhorte à imiter sa conduite et sa vie, si nous voulons être
vraiment éclairés et délivrés de tout aveuglement du cœur ».
L'Imitation de Jésus-Christ est une œuvre anonyme de piété
chrétienne, aujourd´hui attribuée à Thomas a Kempis, apparue à la fin du XIVe siècle, représentative du mouvement de réforme
spirituelle appelé Devotio Moderna. ( voir le chapitre du Jardin des
Délices de J- Bosch ) L'imitation de la vie et de la mort du Christ est au cœur de
cette spiritualité. Le croyant doit demeurer sur terre pour y agir. Son âme
est habitée par le Christ. Il n'est donc plus question, comme le voulait la
spiritualité médiévale, de se fondre en Dieu en s'élevant vers lui, mais
d'une démarche qui en est tout à fait l'inverse puisque c'est le Christ qui
vient habiter le chrétien et que ce dernier exerce une action là où il se
trouve, sur terre. « La pureté et la simplicité sont les deux ailes avec
lesquelles l'homme s'envole au-dessus de la terre et de toute nature éphémère. »
Il faut noter que si Dürer s'est réellement identifié à la
figure du Christ, c'est plutôt sa dimension souffrante qu'il a retenue. En 1522 Dürer fait un autre dessin de lui-même sur lequel il apparaît
semi-nu, avec la poitrine creuse et le lèvres entrouvertes en signe de
douleur. Ses bras croisés tenant un fléau et un fouet nous rappellent les
souffrances du Christ, l´Ecce Homo sans couronne.
En 1512, il reçoit
une pension de l'empereur Maximilien
de Habsbourg, dont il fera le
portrait, avec titres de noblesse en devenant le peintre de la cour. À la mort de Maximilien, il entre au service de son
successeur, Charles Quint. |