Jolie Marie Madeleine Pénitente de Dominicus Tintoret, fils du fameux Jacopo Robusti dit le Tintoretto, ou Tintoret en France.



Jacopo Robusti,  dit le Tintoretto
Santa Maria Maddalena, Pinacoteca Capitolina, Roma



Le Tintoret, appelé ainsi à cause du travail de son père qui fut teinturier, entra comme apprenti à l´école du grand Titien , mais celui-ci le renvoya. Avait-il découvert le potentiel de son élève ? Tintoret est sensé avoir dépassé son maître dont il ne voulait pas copier ses œuvres.

Quoi qu´il en soit Tintoret entra au service du
Duc Guillaume Gonzague à Mantoue, un grand constructeur. A cause de son immense popularité, Tintoretto dut souvent recourir à l'assistance de ses enfants, Domenico et Marietta Robusti, qui étaient tous deux des artistes confirmés, très influencés par le style de leur père.

Le Tintoret travaillait avec des figures en cire qu´il modelait pour étudier la lumière, il n´est donc pas rare de retrouver les mêmes personnages sur différents plans et lumière dans son œuvre. Poussin travaillait ainsi.

Les copies peuvent transmettre le message original.


Quelques particularités de cette œuvre du XVII º s. :

Cette Pénitente croise les doigts, mais ses mains sont vers le haut, comme en prière suppliante.
Ce qui n´est pas le cas de la Madeleine  sous l´autel de Saunière, qui semble, elle ,s´être  déjà résignée.
Cette Sainte auréolée, ne se contente pas de lire, elle écrit aussi puisqu´elle s´est muni d´un encrier .
Le crâne est totalement édenté, et le  Christ, très peu travaillé, il ne regarde pas en direction de la femme.
Elle, à son tour, lève le regard vers un point lumineux du ciel.


Mais le plus « bizarre »,et ce qui attira l´attention de Raoul, car c´est à lui que l´on doit le plaisir de partager cette image, donc le plus bizarre c´est ce tissu, très grossièrement tressé,  tel que le Saint Paul, Hermite de Ribera, mais elle le porte à son bras tel un énorme cobra enroulé.


Jusepe de Ribera : Saint Paul Hermite

 
Saint Paul Ermite de Mattia Preti et une Marie Madeleine du même auteur, l´idée de serpent ne s´y trouve plus, malgré la stèle de palmier.

 
 Saint Paul Ermite de Mattia Preti puis une copie d´après celui du Guerchin, couvert de peau


Symbolisme du Serpent   

Le cou du serpent entoure le bras de Marie Madeleine, le cou de cet animal est le symbole de stabilité et de paix pour les orientaux.
Alors que pour la religion chrétienne le serpent est toujours synonyme du Mal.
Donc étudions plus à fond le symbolisme de cet animal.


 
Mythologie grecque

Il est évident que si les pharmaciens et les médecins ont adopté les serpents dans leurs emblèmes, c'est que cet animal représentait pour eux autre chose.
Tout vient de la mythologie grecque. Celle-ci raconte en effet qu'Hermès, rencontra en ARCADIE deux serpents en train de se battre, les ayant alors séparés avec sa canne autour de laquelle ils s´ enroulèrent, apaisés. Les Grecs en avaient tiré leur symbole de paix, le caducée . Il faut noter que si le caducée des pharmaciens possède deux serpents, celui des médecins n'en comprend qu'un seul.
C´est le serpent d´Esculape dédié au dieu de la médecine, Asclépios, qui pouvait guérir et ressusciter. Oui, comme Jésus, mais aussi
comme Marie Madeleine dans la Légende Dorée de Jacques de la Voragine.

Il symbolise aussi les enfers et le royaume des morts, par son mode de vie caché dans les replis de la terre. ( Marie Madeleine dans sa grotte-ermitage ) Mais sa mue donne l´idée de renaissance. Madeleine est le premier témoin de la résurrection tant de Lazare comme de Jésus et c´est par elle qu´il devient le Christ, le oint.

C´est aussi la Déesse Serpent, ou Pythie qui continue de vaticiner sous le gouvernement d´Apollon. (
Marie Madeleine est aussi une prophétesse )



                            



Hindouisme

Les serpents, dans la religion hindouiste, sont censés, avec VISHNOU et SHIVA, deux grands Dieux Védiques être les porteurs du Monde dont ils assurent la stabilité. D'où la symbolique de paix dont ils sont également porteurs dans cette religion.
Dans le monde indien de l´adoration à la Mère divine, le serpent devient alors l´énergie primordiale à l´essence féminine. C´est la Kundalini, qui ouvre le troisième œil, au-delà duquel on atteint l´union parfaite de Shiva-Shakti dans le « sans-forme » c´est à dire au delà du stade de l´Androgyne. ( voir les chapitres sur
Léonard de Vinci et la Fornarina de Raphaël à propos de l´Androgyne sacré )

La déesse–cobra, Manasa régnait sur la terre durant le sommeil de Vishnou.


  https://lh3.ggpht.com/-n3FahkcGk9E/TwJzONzgfBI/AAAAAAAAAW8/fhzJNp2akCY/s640/Shiva.gif  
Vishnou Shiva Manasa
 
http://missionsharingknowledge.files.wordpress.com/2013/04/shiva_by_ram75.jpg
Shiva avec serpent cobra pour collier et le troisième oeil ouvert sur le front, ce qui rappelle
les Marie Madeleine de Molsheim

 
Noël Tarbouriech 1834 Crucifixion avec Marie Madeleine le Christ et un serpent qui transperce le haut de la croix.


Pour les peuples germaniques.

C´est le symbole germanique de la mer circulaire, analogie dans l´Egypte ancienne au géant Apophyse qui menaçait la barque du dieu Soleil. On est ainsi renvoyé à l´antique équivalence de la mer et de la mère, qui range le serpent du côté des vielles religions de la grande déesse.

En effet  cet ophite dépend d´abord de l´archétype maternelle.
Mère et Mater, la matière ont la même étymologie. ( Voir Fulcanelli )

Le héros doit combattre et tuer le dragon aquatique, la mère archétypique, pour accéder à son statut d´adulte, découvrir son trésor personnel et gardait le serpent pour ainsi délivrer son Âme.

Ici le Serpent féminin est gardien de Trésor ! (voir Mélusine plus bas et sa version masculine cathare )


Religions précolombiennes
 
Il est inutile de répéter ce que représente le Serpent emplumé pour ces  cultures.

Dans les religions précolombiennes, le cinquième jour du calendrier était dédié à cet animal, ainsi l´homme, qui par malheur naissait à cette date, n´aurait jamais de demeure et serait très pauvre. Ce qui va comme un gant à notre ermite !

 

Le Cobra Sacrée et l´Egypte

Le Cobra était le symbole de la Haute Egypte. 

C´est un cobra femelle, couleur bronze, comme sur le tableau de Tintoret, qui protégera le pharaon contre ses ennemis.
Les artisans égyptiens représentèrent souvent le serpent comme une déesse protectrice, symbole de la vie divine et de l’ordre.
Le cobra restera pour l´ Egypte un puissant symbole de protection royale et divine.

L’importance du cobra égyptien est expliqué dans le fameux « Papyrus Bremner-Rhind », ( 4ème siècle a .J-C ). Ce texte contient deux versions du mythe de la création. Dans les deux versions, Atoum créa Shou et Tefnout l´air et l´humidité respectivement en « expectorant » ou en « éjaculant » à l’intérieur des eaux primordiales. Ce qui rappelle la naissance de Venus – Aphrodite. Puis il envoya son oeil pour récupérer Shou et Tefnout. Quand son oeil  les retrouva et ramena l’Unité Primordiale de la Puissance Divine fut atteinte. Cependant, l’œil du Démiurge devint enragé quand il s’aperçut qu’il avait été remplacé par un objet plus brillant que lui  : le Soleil !

L’œil se transforma de façon magique en cobra, puissance féminine servant à protéger les dieux et les rois contre les puissances des ténèbres dans le Monde créé. Le dieu de la création apaisa l’œil- cobra, en le plaçant sur son front ( Troisième œil) La pacification du cobra marqua ainsi l’établissement de la monarchie, et le serpent devint le symbole de la protection et de l’unité de la royauté légitime.

  

Ophisme et Gnose
 

D´autre part il existe le culte des adorateurs du serpent.
Ces doctrines ophites et celles des sectes païennes nous sont connues par la littérature hermétique. Ces sectes furent probablement pré-chrétiennes et, sans doute, antérieures à l'émergence de la Gnose historique.
L'Ophisme , qui contient l' Aeonologie, c´est à dire la chute de la Sophia, la Sagesse, représente la phase primitive du mouvement gnostique.

Pour les Ophites ou les naasènes le Serpent était le messager d'un dieu inconnu, Sophia-Achamoth, plus ancien que IHVH, qui aurait eu pour mission de transmettre secrètement le Savoir à l'homme. IHVH commençant à devenir orgueilleux au point de s'affirmer unique, le dieu inconnu a décidé de le combattre en donnant aux hommes la possibilité de voir la Vérité.

À ce titre, ils considèrent le Serpent comme un des principaux véhicules du divin, mais non comme un dieu à part entière. Il est révéré car il a fait don de la Connaissance - Gnosis - que le démiurge voulait garder pour lui afin d'asservir ses créatures !

"Ils adoraient le serpent qui, en incitant Ève à manger du fruit défendu de l'arbre de la science (Gnose), avait permis aux hommes d'accéder à la connaissance".

"Dieu défend aux hommes formés par lui la GNOSE qui distingue le bien et le mal. N'est-ce pas excessivement étrange ? Car qu'y aurait-il de plus stupide que l'incapacité de discerner le bien et le mal ? Il est évident, en effet, qu'on n'arrivera pas à éviter l'un, je veux dire le mal, ni à suivre l'autre, je veux dire le bien. En somme, Dieu a défendu à l'homme de goûter de la sagesse, alors que rien ne pourrait être plus précieux pour l'homme. Car la GNOSE qui distingue le bien et le mal est l'œuvre propre à la Sagesse. Voilà ce qui est évident, je crois, même pour les insensés ! Par conséquent, le serpent est plutôt un bienfaiteur, et non un fléau pour la race humaine". Tiré de "Contre les Galiléens"  écrits de Julien l'Apostat.

Le Serpent dans la figure du Sauveur est également représenté enroulé autour du Tau Sacré. Comme symbole d'Unité, Ennoia et Ophis sont le Logos; lorsqu'ils sont séparés, l'un est l'Arbre de la Vie (Spirituelle) et l'autre l'Arbre de la Connaissance du Bien et du Mal. Par conséquent, nous trouvons Ophis poussant le premier couple humain - la production matérielle de Ialdabaoth contenant toutefois le principe spirituel de Sophia- Achamoth - à manger le fruit défendu.
( Voir chapitre au sujet du
Jardin des Délices du Bosch, sur la table de gauche, les deux arbres sont séparés, Eve crée sous l´arbre de la Vie-spirituelle et le serpent marque celui de la science.)

Et selon un ancien manuscrit : « Apprends à manger à l'Arbre de la Science et savoure le fruit de l'Arbre de Vie. Cherche les dieux en toi-même et si tu les reconnais et découvres le lieu de leur demeure, tu as gravi la marche supérieure de l'échelle des douze degrés. »

Enfin le serpent est souvent associé à l´oiseau aussi bien le cobra égyptien avec les ailes d´aigle comme celui de Marie et l´Ave , littéralement oiseau sur le symbole du caducée, ou quand  le serpent devient dragon ailé.

Et ce n´est pas étonnant car c´est le venin de vipère qui donna à Cassandre la faculté de comprendre la Langue d´Oiseau.

Pourquoi  avoir représenté  ici ce serpent ?

Cet enseignement qui donne la paix intérieur, lui permettant de voir la Lumière, vient d´Arcadie. Il transmet aussi le pouvoir de soigner, de guérir voir même de ressusciter. Marie Madeleine de  Tintoret regarde bien la lumière divine et non la croix. C´est elle qui soigna le corps de Jésus après la crucifixion. On lui attribue bien une ressuscitation celle d´une femme à Marseille.

C´est la déesse protectrice du royale et du divin. Hermès, comme messager des Dieux transmet la Sagesse, comme celle-ci fut transmise à Eve, par le Serpent.
Le Serpent initia Eve qui à son tour le fit avec Adam.
Certains voient en cette sainte femme, l´héritière des enseignements du Maître. Ce serait-elle qui passa son sage savoir à Jean. Si il ne s´agit pas du même personnage, car bien des fois, et l´histoire se répète sans cesse les femmes durent prendre l´identité d´un homme pour être tenues en compte, comme Georges Sand, Catherine  de Russie, Jeanne d´Arc ou la « mythique » Jeanne la Papesse dont la vraie identité ne vu le jour que lors de son accouche. ( voir
Saintes Travesties )

L´évolution historique a fait du serpent de nature féminine et vulvaire un symbole masculin phallique. Mais le serpent est en lui-même un couple d´opposés aux dimensions cosmiques qui réunit les valeurs du jour et de la nuit, du bien et du mal, de la vie et de la mort, du masculin et du féminin.
 
Distinguer le Bien du Mal rend libre. Avec cette faculté de vision, la religion, telle que nous la connaissons, n´aurait plus aucune raison d´être. Pourquoi montrerait-elle du doigt ce qui est péché et ce qui ne l´est pas. De quel droit peut-elle dénoncer une femme comme Pécheresse ?

Pour cela IHVH condamna le Serpent à avoir sa tête écrasée sous le pied de la femme ! N´est-ce pas ainsi que l´Eglise aime à représenter Marie ?
Le Matériel et le Spirituel sont-ils si désunis ? Pas tant que ça, car on sait bien que Rome « confondit » les enseignements de l´Arbre de la Science avec la sexualité symbolisée par la pomme, fruit non cité  dans la Genèse.

La pomme est le symbole de la science sacrée de la femme, le schème fondamental serpent-femme/mère-science/divination s´en trouve d´autant plus renforcé dans une évaluation péjorative et une misogynie évidente.
C´est d´autre part ce lien du serpent Samael avec Eve qui explique dans le renversement sémantique de Eva à Ave ; la rédemption de la Mère primitive par la Mère du Christ venue racheter le péché originel et assurer le salut de l´humanité, que Marie soit traditionnellement représentée comme écrasant la tête du serpent.

La vierge ne symbolise plus dés lors que le versant lumineux de l´archétype maternel  et, en remportant la victoire sur le serpent chtonien, institue la division qui courra pendant des siècles entre la vierge et la prostituée, tombée peu à peu en état de hiérodule comme l´était Olympe aux serpents, à celui de prostituée profane, comprise littéralement !

On dit aussi que le Serpent ne mord que les personnes habillées et recule devant les personnes nues. Aussi l´homme doit hotter « la feuille de figuier de son plaisir » , qui est l´habit  « du vieil homme » pour être nu de péchés, afin que le Malin ne puisse l´attaquer.

Ainsi sera éveillé l'amour "divin" qui ne demeure pas dans les hallucinations de l'homme mais dans son "cœur"; et cet amour divin donne naissance à la force libératrice qui nous permettra la contemplation de la lumière éternelle et qui détruira toutes les erreurs."


Mélusine

Si
l'on en croit la légende, la fée Mélusine apporte la gloire, la puissance et la fortune à ceux qui lui font confiance. Telle fut l'aventure d'un jeune seigneur nommé Raymondin, qui chevauchait dans la forêt. Il errait ainsi, sans fortune, sans famille, sans fief et fort triste, car il avait tué par accident le comte du Poitou au cours d'une partie de chasse, et craignait vengeance ou châtiment. il atteignit la source de "la Font de Cé", où il rencontra Mélusine. Charmé, le chevalier la demanda en mariage. Elle accepta, lui disant qu'elle pouvait accroître son pouvoir et sa fortune s'il devenait son époux, mais à condition de ne jamais la visiter dans sa chambre où elle se retirait tous les samedis. En effet, condamnée en punition d'une faute ancienne, Mélusine muait, jusqu'à mi-corps, en serpent. Si elle se laissait voir dans cet état, elle risquait de ne plus retrouver sa forme humaine. Malgré sa promesse, le seigneur trahit son serment et découvrit son secret. Quand Mélusine le vit, elle se transforma en dragon. Désespérée, cette dernière s'enfuit et disparut à jamais...."  

C´est une fée bâtisseuse, elle construit châteaux et églises par ses arts magiques :
Beaucoup d'édifices en Poitou doivent, selon la légende, leur existence à Mélusine, la fée "constructrice" de forteresses (Ex : Lusignan) et d'églises (Ex : Parthenay).

Ces bâtiments suivent la Wieuvre, ou serpent  souterrain, qui symbolise la force de la Nature.

Conte du Serpent ou la Belle et la Bête cathares

Un agriculteur travaillait sa vigne, quand il leva une grosse pierre  il découvrit un trou d'où surgit un gros serpent. Il eut une grande peur. Le serpent lui parla: « Qui t'a permis d'enlever la porte de ma maison ? » L'homme s'excusa en lui disant qu'il n'aurait jamais pensé que cette pierre fut la porte de sa demeure. Le serpent répliqua alors: « Je sais que tu as trois filles à marier, si tu ne me donnes pas l'une des trois, je viendrai dans la nuit pour t'étouffer. Va-t'en et donne-moi bientôt une réponse. »

Il courut chez lui mais, comme pour la Belle et la Bête seule la cadette accepta d´épouser le Serpent.

Le serpent les attendait à l'entrée de sa demeure; du seuil de la porte d'entrée, il les invita à descendre sous terre, il passa le premier en rampant, le père et la fille le suivirent. Ils arrivèrent bientôt dans « un château merveilleux dont les portes s'ouvrirent sur des appartements magnifiques aux murs tapissés de diamants, garnis de beaux meubles, éclairés par des lustres éblouissants.

Le père et la fille furent surpris de voir de si belles choses et la demoiselle en fut si émerveille qu'elle se tourna vers son père pour lui dire qu'elle acceptait volontiers de devenir la femme du serpent ». Les noces se célébrèrent des gens de la meilleure société y assistèrent; la mariée était vêtue de sa robe blanche qui avait une longue traîne et le serpent rampait à ses côtés.

Le soir quand tous les invités se retirèrent la demoiselle suivit son mari dans sa chambre, mais elle fut effrayée de se trouver seule avec un serpent à côté d'elle.

Celui-ci voyant son effroi la rassura en lui expliquant qu'il pouvait redevenir « homme à son choix, le jour ou la nuit » Sa femme préféra qu'il fut homme pendant la nuit Alors le serpent se dépouilla tout de suite de sa peau, la suspendit à un clou près de son lit et lui apparut comme un beau prince qu'une vilaine fée avait ensorcelé. Le lendemain matin il reprit sa peau et ainsi toutes les nuits il était prince et tous les matins serpent.
Mais elle devait prendre garde au moins de ne pas toucher à sa peau pendant qu'il dormirait, sans quoi un grand malheur s'abattrait sur tous deux.

Lors d´une visite des ses deux jalouses et curieuses sœurs, l´aînée, plus méchante, brûla avec son flambeau la peau du prince-serpent qui reposait dans son lit. Aussitôt pour châtier les deux dames, il les toucha toutes deux d'une baguette magique: les deux sœurs se trouvèrent alors hors du château en rase campagne, d'où elles rentrèrent à leur maison

Le prince dit à sa femme: « Tu n'as pas écouté mes conseils, je dois te châtier aussi; prends sept bouteilles vides et sept paires de sabots de fer, lorsque tu auras rempli ces sept bouteilles de tes larmes et que tu auras usé les sept paires de sabots, tu me retrouveras. » Alors il la toucha de sa baguette magique, et elle se vit en rase campagne, seule, égarée; elle pleura nuit et jour et marcha sans cesse, elle était d'autant plus affligée qu'elle attendait la naissance d'un enfant. Ce fut un beau petit garçon. Elle marcha sans cesse pendant sept ans en remplissant chaque année une bouteille de ses larmes et en usant une paire de sabots de fer; elle était toute en haillons.

Au bout de sept ans de pérégrinations elle aperçut un village et elle entendit des cloches qui sonnaient à toute volée; elle demanda à la première personne qu'elle rencontra quelle était cette grande fête et celle-ci lui répondit: « C'est un prince qui s'était marié, mais qui a perdu sa femme depuis sept ans, Il se remarie aujourd'hui.»

Alors la femme du serpent prit son enfant par la main et alla se placer à la porte de l'église; son mari qui la reconnut avec beaucoup de joie, s'arrêta sur le seuil, et dit à tous les assistants: « J'avais une jolie clef, je l'ai perdue il y a sept ans, aujourd'hui je la retrouve. Que faut-il que je fasse, que je garde l'ancienne ou que j'en fasse faire une nouvelle ? » Tous répondirent: « Si vous étiez content de l'ancienne pourquoi en faire une nouvelle », et ils s'écrièrent: « Gardez l'ancienne ! » Le prince dit alors: « Voilà ma femme que je retrouve au bout de sept ans, je la reprends. » Il l'amena dans son beau château où ils vécurent heureux et où ils eurent beaucoup d'enfants.




Dédié à Raoul avec mes remerciements