« En tant donc qu'elle a
choisi l’excellente part de pénitence, elle est appelée mer amère,
parce qu'elle y eut beaucoup d'amertumes : ce qui est clair par l’abondance
des larmes qu'elle répandit et avec lesquelles elle lava les pieds du
Seigneur.
En tant qu'elle a choisi l’excellente part de la gloire céleste, elle reçoit
le nom d'illuminatrice,
parce qu'elle y a reçu avec avidité ce qu'elle a dans la suite rendu avec
abondance : elle y a reçu la lumière avec laquelle elle a plus tard éclairé
les autres.
En tant qu'elle a choisi l’excellente part de la gloire céleste, elle est
nommée illuminée,
parce qu'elle est maintenant illuminée dans son esprit par la lumière de la
parfaite connaissance, et que, dans son corps, elle sera illuminée de
clarté. »
Jacques de Voragine. Tome II
La Légende Dorée, écrite entre 1261 et
1266, initialement intitulée Legenda Sanctorum Alias Lombardica Hystoria,
littéralement « ce qui doit être lu des saints », cette œuvre est
rapidement appelée Legenda Aurea par son contenu, d'une grande valeur,
qui est aussi précieux que l'or.
Cet ouvrage connaît dès sa création, un succès considérable. Les artistes
puisent largement dans cette œuvre, mettant en scène la vie des saints.
Voyons ce qu´ils nous transmettent à travers les siècles au sujet de Marie
Madeleine.
La vie de Marie Madeleine par l´Art.
1320 : Giotto, Ambrogiotto di
Bondone, le berger ami de Dante ou la Près –Renaissance.
Giotto est le premier artiste dont la pensée et la
nouvelle vision du monde aidèrent à construire ce mouvement, l'humanisme, qui
place l'homme à la place centrale de l'univers le rendant maître de son
propre destin.
Résurrection de Lazare et Noli me
tangere
Madeleine avec l´ermite Zosimus et Madeleine parlant aux anges
Voyage à Marseille
L´ermite Zosimus est un personnage qui appartient à la légende de Marie
l´Egyptienne et non celle de
Marie Madeleine. Giotto confond les deux femmes. Mais il y a aussi un ermite
que Jacques de la Voragine nomme « un prêtre » ou « homme de
Dieu » mais il reste anonyme, il n´est qu´un intermédiaire entre la
sainte femme et saint Maxime.
« Un prêtre, qui désirait mener une vie
solitaire, plaça sa cellule dans un endroit voisin de douze stades de celle
de Marie-Magdeleine. Un jour donc, le Seigneur ouvrit les yeux de ce prêtre
qui put voir clairement comment les anges descendaient dans le lieu où
demeurait la bienheureuse Marie, la soulevaient dans les airs et la
rapportaient une heure après dans le même lieu, en chantant les louanges du
Seigneur. »
Bien sur il voulut monter voir de plus près
ce prodige, mais il fut arrêté par un mur invisible.
« L'homme de Dieu comprit donc qu'il y
avait là un secret du ciel auquel l’esprit humain ne pouvait atteindre. Après
avoir invoqué le nom du Sauveur il s'écria : « Je t'adjure par le Seigneur,
que si tu es un homme ou bien une créature raisonnable habitant cette,
caverne, tu me répondes et tu me dises la vérité. « Et quand il eut répété,
ces mots par trois fois, la
bienheureuse Marie- Magdeleine lui répondit : «Approchez plus près, et
vous pourrez connaître la vérité de tout ce que votre âme désire. » Quand il
se fut approché tout tremblant jusqu'au milieu de la voie à parcourir, elle
lui dit : « Vous souvenez-vous qu'il est question, dans l’Évangile, de Marie,
cette fameuse pécheresse, qui lava de ses larmes les pieds du Sauveur, et les
essuya de ses cheveux, ensuite mérita le pardon de ses fautes? » Le prêtre
lui répondit : « Je m’en souviens; et
depuis plus de trente ans la sainte église croit et confesse ce fait.» — «
C'est moi, dit-elle, qui suis cette femme. J'ai demeuré inconnue aux hommes
l’espace de trente ans, et comme il vous a été accordé de le voir hier,
chaque jour, je suis enlevée au ciel par les mains des anges, et j'ai eu le
bonheur d'entendre des oreilles du corps les admirables concerts des chœurs
célestes, sept fois par chaque jour. Or, puisqu'il m’a été révélé par le
Seigneur que je dois sortir de ce monde, allez trouver le bienheureux
Maximin, et dites-lui que, le jour de Pâques prochain, à l’heure qu'il a
coutume de se lever pour aller à matines, il entre seul dans son oratoire et qu'il
m’y trouvera transportée par le ministère des anges. »
Giotto représente le voyage à
Marseille, avec que cinq personnages sur cette barque. En premier plan nous
avons une femme sur un îlot, ce détail, pour l´instant n´est pas plus
expressif.
« Au moment de cette dispersion,
saint Maximin, Marie-Magdeleine, Lazare, son frère, Marthe, sa sœur, et
Manille, suivante de Marthe, et enfin le bienheureux Cédonius, l’aveugle-né
guéri par le Seigneur, furent mis par les infidèles sur un vaisseau tous
ensemble avec plusieurs autres chrétiens encore; et abandonnés sur la mer
sans aucun pilote afin qu'ils fussent engloutis en même temps. Dieu permit
qu'ils abordassent à Marseille. »
Enluminures du XVº s du Speculum historiale V de Beauvais
Sainte Marie Madeleine prêchant à Marseille,
puis bénissant les pèlerins, enfin
commulgant et montée aux cieux.
Prédication de Marie-Madeleine au musée du Vieux-Marseille
De l´importance du lavement de pied chez Simon le
Pharisien : « …en sa
qualité de pécheresse, se mêler avec les justes, elle resta aux pieds du
Seigneur, qu'elle lava de ses larmes, essuya avec ses cheveux et parfuma
d'une essence précieuse : car les habitants du pays, en raison de l'extrême
chaleur du soleil, usaient de parfums et de bains. »
« Comme Simon le pharisien pensait à part soi que si Jésus Christ était
un prophète, il ne se laisserait pas toucher par une pécheresse, le Seigneur
le reprit de son orgueilleuse justice et remit à cette femme tous ses
péchés. »
Marie Madeleine prêche à
Marseille : « N'ayant trouvé la personne qui voulût les recevoir, ils
restaient sous le portique d'un temple élevé à la divinité du pays. Or, comme
sainte Marie-Magdeleine voyait le peuple accourir pour sacrifier aux dieux,
elle se leva avec un visage tranquille, le regard serein, et par des discours
fort adroits, elle le détournait du culte des idoles et lui prêchait sans
cesse Jésus Christ.Tous étaient dans l’admiration pour ses manières fort
distinguées, pour sa facilité à parler, et pour le charme de son éloquence.
Ce n'était pas merveille si une bouche qui avait embrassé avec autant de
piété et de tendresse les pieds du Sauveur, eût conservé mieux que les autres
le parfum de la parole de Dieu. »
Marie Madeleine prêchant à Marseille, église
Saint Erige à Auron.
Sur la scène du départ ou Marie Madeleine bénit les pèlerins, on retrouve
deux personnages sur un îlots, sans plus de pistes.
Lucas Moser 1432
Cet artiste retient l´onction durant
le repas chez Simon le pharisien, puis il représente le voyage à Marseille.
Le détail montre des gants au premier plan, serait-ce pour nous rappeler que
la sainte à qui il dédie ce retable est la patronne des gantiers ?
La partie centrale est intéressante ici. Cinq voyageurs sont arrivés à
Marseille, quatre d´entre eux sont réfugiés sous un porche alors qu’ on
aperçoit Marie Madeleine à travers la
fenêtre parlant à une femme déjà alitée auprès de son époux.
« Dieu permit qu'ils abordassent
à Marseille. N'ayant trouvé la personne qui voulût les recevoir, ils
restaient sous le portique d'un temple élevé à la divinité du pays. »
« Alors arriva un prince du pays avec son épouse qui venait sacrifier
aux idoles pour obtenir un enfant. Magdeleine, en leur annonçant Jésus
Christ, les dissuada d'offrir des sacrifices. Quelques jours s'étant écoulés,
Magdeleine, se montra dans une vision à cette dame et lui dit: « Pourquoi,
vous qui vivez dans l’abondance, laissez-vous les saints de Dieu mourir de
faim et de froid? »
« Elle finit par la menace, si elle ne persuadait pas son mari de venir
au secours de la misère des saints, elle encourrait la colère du Dieu tout
puissant.Toutefois la princesse n'eut pas la force de découvrir sa vision à
son mari. La nuit suivante Magdeleine lui apparut et lui dit la même chose;
mais cette femme négligea encore d'en faire part à son. époux. Une troisième
fois, au milieu du silence de la nuit, Marie apparut à l’un et à l’autre ;
elle frémissait et le feu de sa colère jetait une lumière qui aurait fait
croire que toute la maison était eu flammes. « Dors-tu, tyran, dit-elle ?
membre de Satan qui est ton père, tu reposes avec cette vipère, ta femme, qui
n'a pas voulu te faire connaître ce que je lui ai dit.Te reposes-tu, ennemi
de la croix de Jésus Christ ? Quand ton estomac est rempli d'aliments de
toutes sortes, tu laisses périr de faim et de soif les saints de Dieu. Tu es
couché dans un palais; autour de toi ce ne sont que tentures de soie, et tu
les vois désolés et sans asile, et tu passes outre. Non, cela ne finira pas
de cette sorte : et ce ne sera pas impunément que tu auras différé de leur
faire du bien. » Elle dit et se retira.
A son réveil la femme, haletante et
effrayée, dit à son mari troublé
comme elle : «Mon seigneur, avez-vous eu le même songe que moi? » « Oui,
répondit-il, et je ne puis m’empêcher
d'admirer et de craindre. Qu'avons-nous donc à faire? » « Il vaut mieux pour
nous, reprit la femme, nous conformer à ce qu'elle dit, plutôt que d'encourir
la colère de son Dieu dont elle nous menace. » Ils reçurent donc les saints
chez eux, et leur fournirent le nécessaire. »
Giovanni de Milan ou Giovanni di Jacopo di Guido 1360 : on dit de
lui que son œuvre parvient à allier deux
différentes visions artistiques: en effet, sa formation lombarde lui permet
de donner une interprétation du langage florentin largement profane, attentive
aux aspects les plus intimes de la réalité.
Chez Simon - Marthe et Marie - Résurrection de Lazare - Noli me
tangere – le miracle
Marthe et Marie : « C'est à cette
Marie-Magdeleine que le Seigneur accorda tant de bienfaits et donna de si
grandes marques d'affection. Il chassa d'elle sept démons, il l'embrasa
entièrement d'amour pour lui; il en fit son amie de préférence; il était son
hôte; c'était elle qui; dans ses courses, pourvoyait à ses besoins, et en
toute occasion il prenait sa défense. Il la disculpa auprès dit pharisien qui
la disait immonde, auprès de sa sœur qui la traitait de paresseuse, auprès de
Judits qui l'appelait prodigue. En voyant ses larmes, il ne put retenir les
siennes »
Résurrection de Lazare : « Par son amour, elle obtint que son frère, mort depuis
trois jours, fût ressuscité ; ce fut à son amitié que Marthe, sa soeur, dut
d'être délivrée d'un flux de sang, dont elle était affligée depuis sept ans;
à ses mérites Martille, servante, de sa sœur, dut d'avoir l'honneur de
proférer ce mot si doux qu'elle dit en s'écriant : « Bienheureux le sein qui
vous a porté. »
Et puis cette scène qui semble bien énigmatique, qui a fait dire à certains
que cette femme n´est autre que Marie Madeleine accouchant à Marseille. Mais
est-ce bien vrai ? Car on ne reconnaît aucun saint autour d´elle et de
ce nouveau né. Aucune auréole, sauf peut-être celle de sa blonde chevelure..
Cette femme en habit rouge ne tend pas les bras vers son enfant. Que sont ces
pierres qui l´entourent ? Ne dessinent-elles pas une tombe improvisée, qu´un heureux évènement ?
« Or, un jour que Marie-Magdeleine
prêchait, le prince dont on vient de parler lui dit: « Penses-tu pouvoir
justifier la foi que tu prêches ? » « Oui, reprit-elle, je suis prête à
la défendre; elle est confirmée par les miracles quotidiens et la prédication
de mon maître saint Pierre, qui préside à Rome. Le prince et son épouse lui
dirent : « Nous voilà disposés à obtempérer à tous tes dires, si tu nous
obtiens un fils du Dieu que tu prêches. » « Alors, dit Magdeleine, ce ne sera
pas moi qui serai un obstacle. » Et la bienheureuse pria pour eux le Seigneur
qu'il leur daignât accorder un fils.
Le Seigneur exauça ses prières et la dame conçut. »
La suite de l´histoire nous la raconte maître Bréa avec son retable
Le miracle de Marie Madeleine.
Le retable de Sainte-Madeleine,
attribué à François Bréa à Contes 1550 .
Chez Simon le Pharisien - Prêche à Marseille - Miracle, résurrection de la
mère - Baptême des princes et de leur bébé - Marie l´ermite de Dieu
« Alors son mari voulut partir pour
aller trouver saint Pierre, afin de s'assurer si ce qu'avait annoncé
Magdeleine touchant Jésus Christ était réellement la vérité. Sa femme lui
dit: « Quoi ! mon seigneur, pensez-vous partir sans moi ? Point du tout ; si
vous partez, je partirai, si vous venez, je viendrai, si vous restez, je
resterai. »
Son mari lui dit: « Il n'en sera pas ainsi, ma dame ; car vous êtes enceinte
et sur la mer on court des dangers sans nombre ; vous pourriez donc,
facilement être exposée; vous resterez en repos à la maison et vous veillerez
sur nos possessions. » Elle n'en persista pas moins, et obstinée comme l’est
une personne de son sexe, elle se jeta avec larmes aux pieds de son mari
qui obtempéra enfin à sa demande. Alors Marie mit le signe de la croix sur
leurs épaules de crainte… »
« Ils chargèrent un vaisseau de tout ce qui leur était nécessaire, et
après avoir laissé le reste à la garde de Marie-Madgdeleine, ils
partirent. »
C´est ce bateau et ses passagers, des
pèlerins partant pour Rome puis Jérusalem qu´elle bénit sur l´enluminure
rencontrée plus haut.
« Ils n'avaient voyagé qu'un
jour et une nuit quand la mer commença à s'enfler, le vent à gronder, de
sorte que tous les passagers et principalement la dame enceinte et débile,
ballottés ainsi par les vagues, furent en proie, aux plus graves inquiétudes;
les douleurs de l’enfantement saisirent la femme tout à coup, et au milieu de
ses souffrances et de la violence de la tempête, elle mit un enfant au monde
et expira. »
« Et comme le rocher était si dur qu'il ne- put creuser une fosse, il plaça
le corps enveloppé d'un manteau dans un endroit des plus écartés de la
montagne et déposant son fils contre son sein, il dit : « O Marie-Magdeleine
; c'est pour mon plus grand malheur que tu as abordé à Marseille! Pourquoi,
faut-il que j'aie eu le malheur d'entreprendre ce voyage d'après tes avis?
As-tu demandé à Dieu que ma femme conçût afin qu'elle pérît ? Car voici
qu'elle a conçu et, en devenant mère, elle subit la mort; son fruit est né et
il faut qu'il meure, puisqu'il n'y a personne pour le nourrir. Voici ce que
j'ai obtenu par ta prière, je t'ai confié tous mes biens, je les confie à ton
Dieu. Si tu as quelque pouvoir, souviens-toi de l’âme de la mère et à ta
prière que ton Dieu ait pitié de l’enfant et ne le laisse pas périr. » Il
enveloppa alors dans son manteau le corps de sa femme et de son fils et
remonta sur le vaisseau. »
Ils laissèrent la mère décédée avec
son petit condamné à mourir de faim et reprirent leur pèlerinage. Le prince
veuf visita en compagnie de Pierre les lieux ou Jésus avait vécu, prêché,
souffert etc.… Après deux longues
années d´absence de retour à Marseille, il repassa par cet îlot pour rendre homage à sa femme.
« Or, le petit enfant, qui avait été gardé sain et sauf par sainte
Marie-Magdeleine, venait souvent sur le rivage, et comme tous les enfants, il
avait coutume de se jouer avec des coquillages et dès cailloux. En abordant,
le pèlerin vit donc un petit enfant qui s'amusait, comme on le fait à son
âge, avec des pierres; il ne se lassait pas, d'admirer jusqu'à ce qu'il
descendît de la nacelle. En l’apercevant, l’enfant, qui n'avait jamais vu de
semblable chose, eut peur, courut comme il avait coutume de le faire au sein
de sa mère sous le manteau de laquelle il se cacha. Or, le pèlerin; pour
mieux s'assurer de ce qui se passait, s'approcha de cet endroit et y trouva
un très bel enfant qui prenait le sein de sa mère. Il l’accueillit dans ses
bras. »
Sur l´image Marie Madeleine arrive avec son
baume à la main.
« O bienheureuse Marie-Magdeleine,
dit-il, quel bonheur pour moi ! comme tout me réussirait, si ma femme vivait
et pouvait retourner avec moi dans notre patrie! Je sais, oui, je sais, et je
crois sans aucun doute que vous qui m’avez donné un enfant et qui l’avez
nourri sur rocher pendant deux ans, vous pourriez, par vos prières, rendre à
sa mère la santé dont elle a joui auparavant. » A ces mots, la femme respira
et dit comme si elle se réveillait : « Votre mérite est grand, bienheureuse
Marie-Magdeleine, vous êtes glorieuse, vous qui, dans les douleurs de
l’enfantement, avez rempli pour moi l’office de sage-femme, et qui en toute
circonstance m’avez rendu les bons soins d'une servante. »
En entendant ces paroles, le pèlerin fut plein d'admiration. « Vivez-vous,
dit-il, ma chère épouse? » « Oui, répondit-elle, je vis ; je viens
d'accomplir le pèlerinage que vous avez fait vous-même. C'est: saint Pierre
qui vous a conduit à Jérusalem et qui vous a montré tous les lieux où Jésus
Christ a souffert, est mort et a été enseveli, et beaucoup d'autres encore;
moi, c'est avec sainte Marie-Magdeleine pour compagne et pour guide que j'ai
vu chacun de ces lieux avec
vous; j'en ai confié le souvenir à ma mémoire. »
Les princes voulurent se baptiser avec leur
enfant. Ce fut saint Maxime qui officia l´acte.
Sur l´image Marie Madeleine en ermite
lit un livre. On la voit aussi portée par un ange au dessus du piton rocheux
où elle écoutera la musique céleste.
« Or, chaque jour, à l’instant des sept heures canoniales; elle était
enlevée par les anges au ciel et elle y entendait, même des oreilles du
corps, les concerts charmants des chœurs célestes. Il en résultait que,
rassasiée chaque jour à cette table succulente, et ramenée par les mêmes
anges aux lieux qu'elle habitait, elle n'éprouvait pas le moindre besoin
d'user d'aliments corporels »
La suite de l´histoire nous a déjà été
racontée.
Les
autres miracles de Marie Madeleine rapportés par Jacques de Voragine
- Un soldat qui avait l’habitude de venir chaque année en pèlerinage au corps
de la bienheureuse Marie-Magdeleine, fut tué lors d´une bataille. On l’avait
mis dans le cercueil et ses parents en pleurs se plaignaient avec confiance à
sainte Magdeleine de ce qu'elle avait laissé mourir, sans qu'il eût eu le
temps de se confesser et de faire pénitence, un homme qui lui avait été si
dévot.
Tout à coup, à la stupéfaction générale,
celui qui était mort ressuscita, demanda un prêtre, et après
s'être dévotement confessé et avoir reçu le viatique, il mourut en paix
aussitôt.
- Un navire sur lequel se trouvaient beaucoup d'hommes et de femmes fit
naufrage. Mais une femme enceinte, se voyant en danger de périr dans
la mer, invoquait, autant qu'il était en son pouvoir, sainte Magdeleine, et
faisait vœu que si, grâce à ses mérites elle échappait au naufrage et mettait
un fils au monde, elle le dédierait à son monastère.
A l’instant, une femme d'un aspect et
d'un port vénérable lui apparut, la prit par le menton, et la conduisit saine
et sauve sur le rivage; quand tous les autres périssaient . Peu de temps
après, elle mit au monde un fils, et accomplit fidèlement son vœu.
- Un homme privé de la vue venait au monastère de Vézelay visiter le corps de
sainte, Marie-Magdeleine, quand son conducteur lui dit qu'il commençait à
apercevoir l’église. Alors l’aveugle s'écria à haute voix: « O sainte
Marie-Magdeleine ! que ne puis-je avoir le bonheur, de voir une fois votre
église ! » et à l’instant ses yeux furent ouverts.
- Un homme avait écrit ses péchés sur une feuille qu'il posa sous la nappe de
l’autel de sainte Marie-Magdeleine, en la priant de lui en obtenir la
rémission. Peu de temps après il reprit sa feuille et tous les péchés en avaient été effacés.
- Un homme détenu en, prison pour de l’argent qu'on exigeait de lui invoquait
à son secours sainte Marie-Magdeleine; et voici qu'une nuit lui apparut une
femme d'une beauté remarquable qui, brisant ses chaînes et lui ouvrant la
porte, lui commanda de fuir. Ce prisonnier se voyant délivré s'enfuit
aussitôt .
- Un clerc de Flandre, nommé Etienne, était tombé dans de si grands crimes,
en s'adonnant à toutes les scélératesses, qu'il ne voulait pas plus entendre
parler des choses qui regardent le salut qu'il ne les pratiquait. Cependant
il avait une grande dévotion en sainte Marie-Magdeleine ; il jeûnait ses
vigiles et honorait le jour de sa fête. Une fois qu'il visitait son tombeau;
sainte Marie-Magdeleine lui apparut; alors qu'il n'était ni tout à fait
endormi, ni tout à fait éveillé; elle avait la figure d'une belle femme; ses
yeux étaient tristes, et elle était soutenue à droite et à gauche par deux
anges : alors elle lui dit:
« Je t'en prie, Etienne, pourquoi te livres-tu à des actions indignes de moi
? Pourquoi n'es-tu pas touché des paroles pressantes que je t'adresse, de ma
propre bouche? dès l’instant que tu as eu de la dévotion pour moi, j'ai
toujours prié d'une manière pressante le Seigneur pour toi. Allons, courage,
repens-toi, car je ne t'abandonnerai pas que tu ne sois réconcilié avec
Dieu. »
Et il se sentit inondé de tant de grâces que, renonçant au inonde, il entra
en religion et mena une vie très parfaite. A sa mort, on vit sainte
Marie-Magdeleine apparaître avec des anges auprès de son cercueil, et porter
au ciel, avec des cantiques, son âme sous la forme d'une colombe.
- Du temps de Charlemagne,
c'est-à-dire, l’an du Seigneur 769, Gyrard, duc de Bourgogne, ne pouvant avoir
de fils de son épouse, faisait de grandes largesses aux pauvres, et
construisait beaucoup d'églises et de monastères. Ayant donc fait bâtir
l’abbaye de Vézelay, il envoya, de concert avec l’abbé de ce monastère, un
moine avec une suite convenable, à la ville d'Aix, pour en rapporter, s'il
était possible, les reliques de sainte Marie-Madeleine. Ce moine arrivé à Aix
trouva la ville ruinée de fond en comble par les païens; le hasard, lui fit
découvrir un sépulcre dont les sculptures en marbre lui prouvèrent que le
corps de sainte Marie-Magdeleine était renfermé dans l’intérieur; en effet
l’histoire de la sainte était sculptée avec un art merveilleux sur le
tombeau. Une nuit donc le moine le brisa, prit les reliques et les emporta à
son hôtel. Or, cette nuit-là même, la bienheureuse Marie-Magdeleine apparut à
ce moine et lui dit de n'avoir aucune crainte mais d'achever l’œuvre qu'il
avait entreprise.
Ce Gyrard de Bourgogne n´est autre que le puisant Gérard de
Roussillon, Gyrart de Vienne ou Girart de Fraite, héros des chansons de geste
qui donne naissance au cycle de Doon de Mayence ou
Cycle des barons révoltés, mais aussi du cycle de Guillaume d'Orange,
dit Guillaume Fiérebras, au Court-Nez, de Narbonne, qui n´est autre que Guillaume de
Gellone, grand-oncle de Girart !( Voir
Origines des contes du Graal )
Girart possède les comtés de Barcelone, Narbonne, ainsi que la
Gascogne, l'Auvergne et la Provence, puis celui de Paris.
Mariage de Girart et Berthe d’après une miniature du Roman de
Girart de Roussillon
Vienne (Autriche) – vers 1450
« C'est elle, dis-je, qui lava
les pieds du Seigneur de ses larmes, qui les essuya avec ses cheveux, qui les
parfuma d'essence, qui, le temps de la grâce arrivé, fit tout d'abord une
pénitence exemplaire, qui choisit la meilleure part, qui se tenant assise
aux, pieds du Seigneur écouta sa parole, et lui parfuma la tête, qui était
auprès de la croix lors de la passion, qui prépara des aromates dans
l'intention d'embaumer son corps, qui ne quitta pas le sépulcre quand les
disciples se retirèrent ; ce fut à elle la première que Jésus Christ apparut
lors de sa résurrection, et il la fit l'apôtre des
apôtres. »
Philippe Champaigne « Marie Madeleine Pénitente » à
laquelle on a recours pour les malades
Et il la fit l´apôtre des apôtres !
Cet apôtre avec le temps s´éclipsa
derrière la Pécheresse Pénitente désolée,
celle qui abonde dans l´art le moins tardif. Madeleine perd donc son rôle
privilégié avec l´âge.
Tout ce que l´on a pu déduire, écrire sur le rôle de Marie Madeleine était
déjà conté dans la Légende Dorée de Jacques de la Voragine.
Son oeuvre ne put résister la critique des
humanistes de la Réforme. Ceux-ci s'en moquaient et la qualifiaient de
Légende de «fer» ou de «plomb»
Et ceci se reflète dans l´art qui ne puise plus à cette source.
Rien n´est dit sur le rôle de la sainte femme
comme mère, épouse de Jésus et porteuse de son saint sang.
Mais le nom même de Gyrard de Bourgogne ne mène-t-il pas au Graal ?
N´était-ce pas au tombeau de Marie Madeleine qu´il fallait se rendre en
pèlerinage ,
pour rendre les femmes fécondes et assure le mariage aux jeunes filles ?
|